On ne peut pas vraiment apprécier une force surhumaine jusqu’à ce qu’on voie quelqu’un bondit du trottoir au deuxième étage d’un immeuble sur l’autre côté de la rue. Il n’arriva pas au toit, mais il vint à un point environ trois quarts vers le haut. Je n’étais pas exactement sûre comment il ne tomba pas, mais je ne pouvais que deviner qu’il avait enfoncé ses bouts du doigt à l’extérieur du bâtiment.

Je l’entendis craquer et gratter comme il montait, et se tournai à ma seule porte de sortie. Je ne nourrissais pas d’illusions quant à ma capacité à descendre la sortie de secours avant que Lung atteint le sommet du toit et déduit où j’avais fui. À ce moment il pouvait probablement arriver avant moi au rez-de-chaussée par sautant du toit, ou même lancer du feu à moi pendant que j’étais à mi-chemin. L’ironie de mourir sur la sortie de secours ne m’échappais pas.

Je voulais pouvoir voler. Mon école offrait le choix entre la chimie, la biologie et la physique, avec la science basique pour des paresseux. Je ne choisis pas de la physique, mais j’étais assez sûre que peu importe le nombre, sauter du toit avec un essaim des insectes volés serait aussi inefficace que ces enfants qui sautent du toit avec des parapluies et des draps.

Pour l’instant j’étais bloquée où j’étais.

Accéder dans l’armure convexe qui couverte ma colonne vertébrale, je fis courir mes doigts sur les choses que j’avais bouclées dedans. Les Epipens voulaient traiter le choc anaphylactique des réactions allergiques aux piqûres d’abeille et autres et ne faisaient pas sûrement quelque chose à Lung, même si je pouvais être assez proche de lui faire une injection. Au pire, les injections surchargeaient son pouvoir par provoquer une poussée dans les hormones ou les endorphines qui alimentaient son pouvoir. Pas utile, dangereux au mieux. J’avais un sac de la craie qui était destinée aux alpinistes et aux gymnastes. Je l’ai vu en achetant les lentilles pour mon masque. J’avais des gants et ne pensais pas que j’aie eu besoin de la sécheresse et de la traction en plus mais j’avais eu l’idée qu’il serait utile de la lancer à un ennemi invisible et l’avait acheté sur un coup de tête. Avec le recul il était un achat bête, puisque mon pouvoir me permettrait de trouver des ennemis comme cela avec mes insectes. Comme un outil contre Lung… je n’étais pas sûre si elle explosait comme la poussière normale quand exposée à la flamme, mais le feu ne lui faisait pas mal quand même. Retire cette option.

Je sortis ma petite bombe lacrymogène. C’était un tube noir de sept centimètres, pas plus grand qu’un stylo, avec une détente et un cran de sûreté. C’était un cadeau de mon père, après que j’avais commencé à courir chaque matin pour la formation. Il m’avertit à varier ma route et me donna la bombe lacrymogène ainsi qu’une chaîne pour l’attacher à ma boucle de ceinture afin qu’une assaillante n’aie pas pu la prendre et l’utiliser contre moi. En costume, je choisis de ne pas garder la chaîne dans l’intérêt d’être discrète. Avec mon pouce j’enlevai le cran de sûreté et positionnai le tube de façon à être prête à le tirer. Je m’accroupis pour me faire une plus petite cible et l’attendis à se montrer.

Les mains de Lung, encore en feu, étaient la première chose de se manifester, serraient le bord du toit assez fort de le plier. Ses mains étaient suivies rapidement par sa tête et son torse alors qu’il se remonta. Il semblait fait des couteaux chevauchement, fumant jaune-orange avec la flamme à basse température. Il n’avait pas de peau visible et il était facilement de deux mètres, d’après la longueur de ses bras et son torse. Ses épaules étaient un mètre de large au minimum. Même son seul yeux ouvert avait l’air métallique, une flaque de métal fondu.

Je visai son yeux ouvert, mais le spray tira à un angle aigu, plutôt rebondir sur son épaule. Où le spray l’effleura il déclencha des boules de feu éphémères.

Je jurai et bataillai avec l’appareil. Tandis qu’il apporta sa jambe au-dessus du bord j’ajustai mon angle et tirai encore. Cette fois - avec un petit ajustement mi-flux - je l’atteignis dans le visage. La plupart de spray ricocha sur son visage, mais il fera l’affaire pourtant. Il cria, lâchant le toit avec une main, agrippant le côté de son visage avec le bon yeux.

C’était bête d’espérer qu’il glissait et tombait. J’avais de la chance qu’il y avait encore des parties de son visage qui étaient vulnérables au spray.

Lung se hissa sur le bord de la toiture. Il se faisait mal… mais je ne pouvais rien y faire. Mes insectes étaient inutiles, il n’y avait rien dans mon fourreau et attaquer Lung faisait mal à moi plus que lui. Notant à passer prendre un couteau ou un matraque si j’arrivai à survivre, je déguerpis à la sortie de secours.

« En… Enculé! » a-t-il crié Lung. Mon dos tourné, je ne pouvais pas le voir, mais le toit était illuminé brièvement avant que la vague de flamme m’ait heurté par derrière. Déséquilibrée, je dérapai sur du toit et heurtai le bord relevé du toit, juste à côté de la sortie de secours. Frénétiquement, je me fouillai. Mon costume n’était pas en feu, mais mes cheveux - je vérifiai en hâte qu’ils ne s’enflammèrent pas.

Heureusement, je pensai, le toit ne contenait aucun goudron. Je pouvais bien imaginer les flammes mettaient le feu au toit et mon inutilité si cela arrivait.

Lung se leva, lentement, couvrait encore une partie de son visage avec sa main. Il marchait en boitant alors qu’il m’approchait. Il s’en prit à moi à l’aveuglement avec une large vague de feu qui se répandrait plus de la moitié de la toiture. Je couvris ma tête avec mes mains et me roulai en boule comme l’air chaud et la flamme roulaient sur moi. Mon costume était le plus touché, mais c’était encore assez chaud que j’avais besoin de mordre ma lèvre afin de rester silencieuse.

Lung s’arrêta, tournait sa tête d’un côté à l’autre lentement.

« Salope. » a-t-il grogné avec son accent fort, avait du mal à reprendre son souffle. « Bougez. Donnez-moi quelque chose à viser. »

Je retins ma respiration et restai tranquille que possible. Que pouvais-je faire? J’avais encore la bombe lacrymogène dans ma main, mais même si je l’atteignis encore, je risquais qu’il me grillait avant que je pouvais bouger. Si je bougeai en premier, il m’entendait et lançait un autre jet de flamme sur moi, probablement avant que je pouvais me relever.

Lung sortit sa main de son visage. Il cligna des yeux plusieurs fois, puis regarda autour de lui, puis cligna des yeux un peu plus de fois. C’était une question de secondes avant qu’il pouvait voir assez bien à me distinguer des ombres. Il récupérait déjà de la bombe lacrymogène? Pourquoi ce monstre n’était-il pas plus notoire?

Il bougea soudainement, des flammes enroulaient ses mains et je fermai mes yeux. Quand j’entendis le souffle crépitant de la flamme et n’étais pas brûlée vive, j’ouvris mes yeux encore. Lung tirait des flots de feu, visait le côté du toit du bâtiment adjacent, un appartement à trois étages. Je regardai pour voir qu’il visait, mais je ne pouvais rien voir dans l’obscurité ou dans la seconde de lumière fournie par des flammes de Lung.

Sans avertissement, une énorme forme atterrit sur Lung avec un impact que je pouvais jurer était audible aux personnes l’autre bout de la rue. La taille d’un fourgon, le « énorme objet » était un animal plutôt qu’un véhicule, ressemblait à un croisement entre tigre et lézard, avec des enchevêtrements de muscle et d’os où il devrait avoir de la peau, des écailles ou de la fourrure. Lung était actuellement à genoux, empêchait une des griffes considérables de mutiler son visage.

Lung utilisa sa main libre pour donner un coup au museau de la bête. Bien qu’il était plus petit que la créature, le choc la fera se cabrer. Elle recula un peu, puis chargea sur Lung comme un rhinocéros, le forçait de retirer du toit. Ils touchèrent la rue avec une collision audible.

Je me levai, consciente que je tremblais comme une feuille. J’étais si branlante, du soulagement de la peur mélangés, que je faillis tomber encore quand le bâtiment fut secoué par deux impacts. Deux autres créatures, similaires à la première en texture, mais différentes légèrement en taille et en forme, étaient arrivées sur le toit. Ces deux-là avaient chacun une paire de cavaliers. Je regardais les personnes glissèrent des dos des animaux. Il y avait deux femmes, un homme et un quatrième que j’identifiai comme un homme seulement à cause de sa taille. La grande m’approchai alors que les autres se dépêchèrent au bord de la toiture pour regarder Lung et la créature se battraient.

« Vous on avez aidé vraiment tout à l’heure, » m’a-t-il dit. Sa voix était grave et masculine, mais sourde par le casque qu’il portait. Il habillait entièrement en noir, un costume que je réalisai était essentiellement d’équipement de protection et un casque du moto. La seule chose qui insinuait un costume était la visière de son casque. La visière qui couvrait tout de son visage avait été sculptée pour ressembler à un crâne stylisé et était aussi noire que le reste de son costume, avec seulement des rehauts faibles de la lumière réfléchie pour lui donner l’impression de son sujet. C’était un des costumes maisons, construite par quelqu’un qui manquait d’expérience, mais ce n’était pas mal si on ne regardait pas trop près. Il tendit le bras vers moi et je reculai, méfiante.

Je ne savais pas quoi dire, donc je me tins mon habitude de ne rien dire.

L’homme en noir se retira la main et montra du pouce derrière lui, « Quand on a appris que Lung allait nous poursuivre, on a paniqué. On se disputait quoi faire la plus grande partie d’une journée. On a fini par décider, putain, on le rencontrait à mi-chemin. Improviser. Pas mon style habituel, mais c’est la vie. »

Derrière lui, une des filles siffla vivement et montra en bas de la rue. Les deux monstres sur lesquels le groupe montait bondèrent au-dessus du toit et sautèrent en bas de la rue pour rejoindre le combat.

L’homme en noir continua à parler, « Et devinez quoi, son larbin Lee est là avec une demi-douzaine mecs, mais Lung et le reste de son gang ne se trouvent nulle part. » rira-t-il, un bruit étonnamment normal pour quelqu’un qui portait un casque en forme de crâne.

« Lee n’est pas mal dans une bagarre, mais il n’est pas chef d’ABB pour une raison. Il était effrayé sans son patron et déguerpit. Je suppose que vous êtes responsable de ça? » Crâne-casque attendit une réponse de moi. Quand je n’en offris pas une, il se balada vers le bord du toit et baissa ses yeux, puis parla sans tourner pour me regarder, « Lung se fait battre. Vous lui avez putain fait quoi? »

« La bombe lacrymogène, des piqûres de l’abeille et de la guêpe, des fourmis rouges et des morsures de l’araignée, » la deuxième des filles répondit-elle pour moi. Elle était habillée en costume moulant qui mélangeait noir avec une nuance pâle de bleue ou de violette - je ne pouvais pas distinguer dans l’obscurité - et ses cheveux blonds foncés étaient longs et au vent. La fille fit un large sourire comme elle ajouta « Il tient pas très bien. Va sentir bien pire demain. »

L’homme en noir se tourna tout à coup pour me regarder, « Présentations. C’est Moucharde. Je suis Grue. La femme avec les chiens -» il montra l’autre fille, celle qui avait sifflé et commandé les monstres. Elle n’était pas en costume, sauf je comptai une jupe écossaise, des bottes de l’armée, un T-shirt sans manches et en morceaux et un masque de rottweiler en plastique et bas de gamme comme un costume. « -On l’appelle Garce, sa préférence, mais les bons et les médias l’appellent plutôt Molosse pour être politiquement correct. Enfin et définitivement le moins, voici Régent. »

Je rattrapai finalement ce qu’il disait. Ces monstres étaient des chiens?

« Va te faire foutre, Grue » a-t-il répondu Régent, avec un gloussement et un ton de voix qui indiquaient clairement qu’il ne se sentait pas visé. Il portait un masque blanc, pas si décoratif comme ceux que j’associais avec les kermesses de Venise, mais similaire. Il avait placé une couronne en argent autour de ses courtes boucles noires et portait une chemise blanche et froncée avec des leggings moulants rentrés dans de grandes bottes. La tenue me rappelait une fête médiévale. Il avait une carrure plus comme un danseur qu’un culturiste.

Grue me regarda pendant un bon moment. Après quelques secondes, il me demanda, « Hé, vous allez bien? Vous êtes blessée? »

« Elle se présente pas parce qu’elle est blessée, » Moucharde le dit, en penchant sur le bord du tout pour regarder la rue, « C’est parce qu’elle est timide. »

Moucharde se retourna et il semblait qu’elle allait dire quelque chose d’autre mais elle s’arrêta soudainement. Son sourire s’estompa. « Attention. On doit filer. »

Garce fit oui de la tête et siffla, un court coup suivi de deux longs. Après une pause brève des impacts secouèrent tout à coup l’immeuble. Dans un instant, les trois créatures à elle bondèrent des allées des deux côtés du bâtiment et sur le toit.

Grue se tourna vers moi. J’étais debout l’autre bout du toit, par la sortie de secours. « Hé, vous voulez faire un tour? »

Je regardai les créatures - des chiens? Elles étaient des créatures méchantes et saignantes d’un cauchemar. Je secouai la tête négativement. Il haussa les épaules.

« Hé, » m’a-t-elle dit Moucharde, s’asseyant juste derrière Garce, « Comment vous vous appelez? »

Je la regardai. Il y avait un bon moment avant que je pouvais prononcer les mots, « J’ai pas… J’en ai pas choisi un. »

« Bon, Bestiole, un cape va arriver en moins d’une minute. Vous nous avez aidé par vous occupant de Lung, donc suivez mon conseil. Quelqu’un de Protectorat vient et trouve deux mauvais garçons qui se bagarraient, il va pas en laisser un échapper. Vous devriez partir. » a-t-elle dit. Elle sourit faiblement. Derrière son simple masque noir en forme d’un domino, ses yeux étaient scintillants. Si elle avait eu des cheveux roux, elle aurait ressemblé à un renard.

Ils sautèrent au-dessus de moi. Une des trois bêtes frappa ou marcha sur la sortie de secours en descendant, provoquant un crissement métallique.

Quand je réalisai ce qui s’était passé, je faillai pleurer. Régent, Moucharde et Garce étaient évidemment des adolescents; ce n’était pas difficile d’imaginer que Grue était si jeune aussi. Les « enfants » que Lung avait mentionnés, ceux que je m’étais efforcée de sauver, étaient des méchants. De plus, ils m’en avaient pris pour un aussi.